Aprendre à Connaître Abdallah FILALI
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Le 7 octobre 1957, FILALI Abdallah tombait, frappé de 4 balles dans le dos. 48 jours durant, il luttera contre la mort avec ce courage tranquille qui fera dire aux medecins : «C’est là un grand Monsieur; il combat pour la vie sans avoir peur de la mort».
L’HOMME FACE À LA MORT
Le samedi 23 novembre 1957, avant de sombrer dans l’inconscience avec son large sourire habituel et malgré toutes les soufrances endurées par son corps, dont tout l’intérieur s’en va en lambeaux, Abdallah FILALI accueille, comme chaque jour, sa famille et ses amis français et algériens. Abdallah sait qu’il va mourir. Il est prêt : « Pour moi l’affaire va se régler d’elle-même, tout naturellement, je me sens de mieux en mieux ».
Et. Tout de suite : « Excusez-moi, amis, de parler ainsi ; ce n’est pas de ma faute, c’est le mal que j’ai là (il montre son corps). Vraiment, est-ce que vous m’excusez ? »..
Jusqu’au bout, dans les lueurs de conscience que lui laisse le combat contre la mort dans lequel il s’est engagé, il parlera de l’Algérie, de son Parti, du Mouvement Nationl Algérien. Jusqu’au bout, en dérigeant qu’il était, il s’occupe de tout, et de tous le monde. : « Il faut voir un responsable pour aller voir les militants qui sont en prison. Il ne faut pas les laisser comme ça Il faut s’occuper des amis ».
Abdallah sombre à nouveau, puis remonte. Il ouvre les yeux, l’infirière est là. Elle va rentrer chez elle après son service :
- « Monsieur FILALI, faites-moi un sourire.
- « Je n’ai pas la force.. ».
Il sourit malgré tout. L’infirmière :
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- « Bonne nuit, Monsieur FILALI, à Lundi.
- - « Bonne nuit à vous et à Lucienne, votre petite fille ».
Il sait que le personnel médical à tout fait pour le sauver et, lorsqu’il se sera convaincu lui-même et par lui-même que la mort viendra, il le dira :
« Les médecins, les infirmières, ont fait tout leur possible. Remerciez-les de ma part ».
FILALI, révolutionnaire, nationaliste intransigeant, n’a aucune haine dans le cœur :
« Jamais, jamais, dira-t-il, il ne faut faire de différences entre tous ceux, Français et Algériens, qui nous ont aidés ».
A celui qui, lâchement, lui a tiré les 4 balles dans le dos, et qui pour s’attirait les sympathies de la foule qui l’arrêta, disait : « Pourquoi vous occupez-vous de ça ? Je viens de descendre un fellaga ». Abdallah FILALI pardonnera : « C’est un pauvre type ; s’il m’avait connu, il ne m’aurait pas frappé, Je lui pardonne. Ce n’est pas lui qui est responsable ».
Et dans les quelques lumières que lui laissera son délire : « El-Dazair, El-Djazair, le peuple, le peuple, Messali…. On a créé, on a forgé l’Algérie avec toutes nos forces, avec toute notre foi… ».
Et à la fin, le dimanche 24 novembre, à 13h15, Abdallah FILALI poussera ses derinières énergies pour s’asseoir, et déjeune. Puis, Las, fatigué, avant de s’assoupir pour son dernier sommeil. Abdallah recommandera : « Préparez les lettres pour annoncer ma mort. Maintenant, je me sens bien, je n’ai plus besoin de rien ».
Peuple algérien, un des meilleurs de tes fils, pur, honnête, désintéressé, courageux, est tombé sous les balles de tueurs sans conscience et sans foi. L’U.S.T.A. qu’il a contribué à forger, et la classe ouvrière algérienne, ont perdu l’un des plus nobles de leurs dirigeants, l’un des plus grands.
Qui est Abdallah FILALI ?
LE MILITANT, L'ORGANISATEUR
Abdallah FILALI est né le 13 septembre 1913 à Beni-Oulemane, arrondissement de Philippeville. Abdallah FILALI adhère en 1932 à l’Etoile Nord-Africaine, première organisation nationaliste. Il se jette, avec cette fougue, cette passion qui le caractérisent, dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. Pour FILALI, ouvrier lui-même, le droit du peuple algérien à disposer de lui-même a toujours représenté la préface indispensable aux conquêtes sociales qui permettront d’améliorer le sort des masses populaires. Il combat pour l’Etoile, parce que l’Etoile est l’organisation populaire qui appelle les algériens à lutter pour leur libération nationale et sociale.
En 1934, chassé d’Algérie par le chômage, FILALI vient en France. Il est élu membre du comité central de l’Etoile Nord-Africaine. A partir de cette date, sa vie sera complètement et totalement identifiée avec le combat que mène Messali Hadj.
Le 22 août 1937, Messali et la direction du PPA sont arrêtés. FILALI, en France, se propose comme volontaire pour aller en Algérie réorganiser la Direction. Quelques mois après, il sera également arrêté, incarcéré à la prison de Barberousse, condamné à un an de prison. A peine sorti de prison, il tombe malade, atteint d’une infection pulmonaire. Mais, le 4 octobre 1939, alors qu’il est en traitement à l’hopital, il sera incarcéré à nouveau à la prison de Barberousse avec Messali Hadj qui est lui condamné à 16 de travaux forcés, 20 ans d’interdiction de séjour. Abdallah FILALI sera lui condamné à 5 ans de prison et 20 ans d’interdiction de séjour.
Le 8 novembre 1942, les alliés débarquent. FILALI ne sera néamoins libéré qu’en Février 1943. Il reprend le combat, parcourt l’Algérie en tous sens, organise le Mouvement National Algérien.
Après la tragique provocation de 1945, Abdallah plonge une nouvelle fois dans la clandistinité. Là se situe un épisode caractéristique de la vie de notre frère. Abdallah FILALI, déguisé en prêtre, assistera à la séance du tribunalqui le juge lui et ses camarades. Il entend être présent et montrer qu’il accepte tous les risques, y compris celui d’être reconnu, lorsque le président annoncera la sentence qui le condamnera à mort par contumace.
Clandestin, Abdallah FILALI se consacre au travail d’organisation. Ses qualités d’organisateur sont telles que tous ceux des Algériens qui se trouvent en difficultés en appellent à FILALI. Ce sera le cas en particulier, de BEN BELLA, qui, recherché par la police en Algérie, ne voudra que personne d’autre s’occupe de son transfert en France, puis au Caire, que FILALI. Ce sera le cas de Ait Ahmed, de Khider et de dizaines d’autres militants qu’il a sauvé de la répression.
L'UNIFICATEUR
La bataille politique à l’intérieur du MTLD deviendra âpre ; une tendance, qui prendra ensuite l’appelation de « centralistes », s’était développée dans les sommets du Parti, voulant remettre en question les principes du Mouvement National. FILALI- et ce sera le seul moment de toute son existence où il sera découragé- va voir Messali Hadj et lui dit : « Je crois qu’il vaut mieux que je reprenne mon métier de peintre, je ne peux plus collaborer avec ces gens qui ne visent qu’à tirer profit pour eux-mêmes du combat du peuple ». Messali lui posera une seule question : « Et si les meilleurs se retirent qui restera avec le peuple ? .. ».
Aux côtés de Messali, FILALI organisera le Congrès du Redressement, le Congrès de la Révolution, le Congrès d’Hornu.
Au 1er Novembre 1954, Abdallah FILALI est au Caire, avec Ahmed MEZERNA et Chadli MEKKI pour tenter d'unir les tendances nationalistes. BEN BELLA leur propose, et particulièrement à FILALI les postes les plus élevés dans ce qui deviendra bentôt le FLN. FILALI déclare : « Je sui venu remplir une mission, je dois en rendre compte au Parti », et il reviendra en France, sur le terrain de la bataille, refusant d’accepter la sécurité des grands palaces internationaux.
A nouveau, FILALI se trouve confronté avec les problèmes les plus difficiles, d’une répression forcenée et de la nécessité d’affirmer les solutions politiques du MNA.
Il repart, en avril 1955, une nouvelle fois au Caire, cherchant comme il le fera, jusqu’à son dernier jour, les voies pour garantir au peuple algérien son combat politique par les méthodes dignes de sa lutte et tenté d'unifier le mouvement national (FLN, MNA) en rencontrant la délégation du FLN. Mais le pays hôte commence alors à interférer dans les affaires de la Révolution. Les autorités égyptiennes procèdent à l'arrestation des trois représentants de Messali Hadj: Ahmed Mezerna, Chadli Mekki et Abdallah Filali. Chadli Mekki et Ahmed Mezerna seront arrêtés à l'aéroport, ils seront libérés après l'indépendance, après avoir contracté des maladies graves. Abdallah Filali échapera par miracle aux filets de la police de Nasser et réussira à rejoindre Tunis (1).
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Il revient à Paris, et est arrêté em juin 1955, transféré immédiatement à la prison de Tizi-Ouzou : il y restera 18 mois. Entre temps, ses interloculeteurs FLN se réunissent le 23 mai 1955 à Zurich et décident la liquidation physique de tous les respondable du MNA, decision qu’il mettent immédiatement en application en envoyant TERBOUCHE tenter d’assassiner MESSALI.
En prison, il poursuivra le combat. Par deux fois, il dirige la grève de la faim. La deuxième fois, le medecin qui l’à fait transférer à l’infirmière de la prison, lui declare : « Aujourd’hui, vous avez une chance sur dix de vous en tirer : il faut recommencer à vous alimenter ». Mis en liberté provisoire, il est libéré en janvier 1957.
LE DIRIGEANT DE L’USTA
Au moment où Abdallah FILALI est désigné commme sécrétaire général adjoint de l’USTA, la répression a décimé par centaines et milliers les cadres. En Algérie, les membres du Bureau Confédéral sont tous emprisonées ou internés dans les camps avec RAMDANI, sécrétaire général. En France, les principaux dirigeants sont également incarcérés.
FILALI réorganisera le Fédération et montrera à l’opinion publique, française et internationale, le caractère et le rôle de l’USTA. Il organisera avec le sécrétaite général Ahmed BEKHAT, le premier Congrès de l’USTA des 28, 29 et 30 juin 1957.
Tous ceux qui ont suivi les travaux de ce Congrès qu’Abdallah FILALI et Ahmed BEKHAT ont animé de bout en bout, mesureront clairement toute l’importance qu’a prise l’USTA dans la lutte du peuple algérien pour la liberté et le bien social.
Pour la première fois, la classe ouvrière algérienne, se sera donnée une véritable centrale syndicale algérienne, pleinement démocratique. Sur toutes les questions, le Congrès, sous l’impulion de FILALI, adoptera les solutions qui s’imposent.
Une conédération syndicale algérienne doit avoir, en premier lieu un programme revendicatif, un programme économique et social : FILALI fera adopter diverses résolutions, notamment une résolution pour une nouvelle répartition des terres, « question de vie ou de mort pour le fellah », et une résolution qui affirme : « Le Sahara a été et doit rester Algérien ».
Sera également adopté le Cahier de Revendications des travailleurs émigrés, où la nécessaire solidarité entre les classes ouvrières française et algérienne s’exrimera dans un court préambule :
« Le premier Congrès de la Fidération de France de l’USTA déclare :
- - Appuyer toute section de la classe ouvrière française en vue d’améliorer les condition d’existence de ses salariés.
- - Faire sienne toutes les revendications qui vont dans ce sens.
Le mouvement syndical est divisé. Abdallah FILALI a une longue expérience : il sait que l’unité, dans une seule centrale, est possible et nécessaire. Il posera les bases des principes de l’unité, l’indépendance à l’égard de toutes les formations politiques et de tous les gouvernements, la démocratie entère à tous les échelons,
Mais, à la guerre et à la répression qui sévissent depuis le 1er novembre 1954 , s’ajoute une lutte intense menée par les adversaires de l’USTA avec des méthodes indignes du Peuple algérien. Ces méthodes, FILALI ne peut se résoudre à les accepter. Dans une résolution qu’il soumet au vote le dernier jour du Congrès, le 30 join 1957, il en appellera à la conscience, à la dignité de tous ceux qui prétendent parler au nom du Peuple algérien:
« Il est indigne de notre peuple de donner au monde le spectacle de frères qui s'entredéchireent au lieu de s'unir. Il est INCONCEVABLE d'assister à ces règlements de compte, à ces fratricides, et à ces massacres collectifs sans agir pour y mettre fin. La réalisation de cette union ne dépend pas de nous, mais c'est notre droit et notre devoir de faire appel aux dirigeants authentiques du peuple auquel cette réalisation incombe. C'est-à-dire aux hommes connus depuis toujours pour leur patriotisme et leur honnêteté politique autant que morale, et qui aujourd'hui avec désintéressement n'ont qu'un seul souhait: faire cesser la souffrance du peuple, et un seul but: lui donner la parole pour décider serreinement de son avenir».
Réaction de Messali Hadj à la mort de Abdallah Filali
« L’annonce de la mort de Filali me bouleverse. En Abdallah Filali, le peuple algérie perd en lui un organisateur de fer, et moi un compagnon fidèle de tous les instants, qui m’a suivi dans toutes les prisons, comme il a participé a tous les grands évenements deu nouvement national algérien.
Il était la simplicité, la grandeur d’âme, le scarifice permanent. Rien d’autrene l’intéressait que le bonheur et la liberté du peiple.
Devant cette grande figure algérienne, devant cet homme généreux, serviable, humain, et épris de liberté et de justice, je m’incline, et répète doucement ces vers de Victor Hugo :
« Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie
Ont droit qu’à leur cerceuil la foule vient et prie ».
A sa compagne, sa sœur, son frère, à sa famille, à ses amis et à l’U.S.T.A., j’adresse mes condoléances attristées. J’ai suivi, déchiré, le dernier combat au’Abdallah Filali à livré sur son lit d’Hopital.
Abdallah Filali est mort certain de la victoire du peuple algérien.
Le 25 Novembre 1957
Messali Hadj
Président du Mouvement National Algérien
Sources:
- Ce texte est une reprise du dossier apparu dans"La Voix du Travailleur Algérien", No spécial-Novembre 1957.
- Photos: Archives de la Fondation Messali Hadj
- (1)
Le paragraphe indiqué par la référence (1) est pris du livre:"Messali Hadj, le zaim calomnié" de Amar Nedjar. Ed. El-Hikma
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Première commémoration en 2013 de la mort de Abdallah Filali